vendredi 31 janvier 2020


Voyages, films, et rêves ou inversement



Marcher, c’est bien connu, permet de parler en soi, ou de laisser parler quelque chose, en soi.  De  se laisser  tirer par la parole. Marcher permet de penser tout simplement, sans que la pensée nous alourdisse, nous retienne d’aller. Nous pouvons sortir momentanément de la carte froissée, congestionnée, abondamment raturée et pleine de trous des hommes et aller sur l’échine des montagnes, là où affleurent des os comblés de lumières ; nous allons de l’avant tandis que sur l’immense écran du ciel passent les nuages et que tous les acteurs, depuis le boucher de quartier, jusqu’au voisin de palier ont disparu.
La carte s’éclaire, beaucoup de choses s’expliquent en ce qui concerne l’ordonnancement précis des montagnes et leur rapport au visible, et à l’invisible. Au loin des villes apparaissent à leur place réelle, toutes petites, affreusement concentrées, feuilletée de béton, enveloppé d’orgueil technologique, invisibles à elles-mêmes : des villes seules. Les déplacements qui ont lieu en elles nous paraissent désormais dérisoires. Là-bas plus rien ne bouge, suis-je tenté de me dire. 
Le film est toujours le même avec les mêmes acteurs, les mêmes  décors...Il semble en outre que tout s’y passe comme dans un rêve car  plus la technologie s’appesantit sur notre monde, sur  notre corps, plus elle fait de nos vies des rêves dérisoires...

Tandis que là, hors de la carte du quotidien, nous filmons les nuages réels du ciel, l’échine pelée, rousse, roussie, jaunies des montagnes.
Nous filmons le vent dans les hêtraies. Nous rêvons avec les pieds ; la sueur en est le signe. Nous voyageons sur le dos des montagnes. Nous participons à l’expansion du monde et de la carte, provisoirement du moins...
Nous sortons.
C’est un voyage, c’est un film, c’est un rêve.
Et inversement.
 En fait c’est inextricable.




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