vendredi 30 décembre 2022

Les étoiles

 

 


 Trous par lesquels les yeux respirent la nuit. Certes je vois le tremblement qui les identifie en tant que poussière du cosmos mais ce qui surtout les caractérise, phénoménologiquement, c’est d’être des trous par lesquels passe, en pure perte, une lumière qui ne touchera jamais terre.

Une lumière qui tient en haleine et réconforte la nuit malgré une froideur hiératique certaine.

Froide, congelée, archaïque par-delà les éons, est la lumière qui passe par les étoiles, ne touchant jamais terre mais comblant le regard des gens qui s’y arrêtent un moment, à la recherche d’une source, d’une onde où plonger cette tête remplie de vaines pensées.

D’un léopard de vertige les taches et encore les taches, félines, dupliquées en coulées galactiques ou archipels clignotants, en essaims d’oursins liminaires, m’interpellent franchement. Quand Je lève la tête, passe dans les vertèbres de ma colonne une espèce de noir désir d’infini, et une danse qui se relève prestement de la poussière.

 L’architecture du dôme est à la fois bancale et cristalline, les dessins sont géométriques, comme ceux de nos ancêtres égyptiens, en pointillés enfantins qui parfois se contredisent, titubent au gré des vecteurs et des danses, et le fond du dessin infuse dans cet illimité de perdition qui est aussi, à un certain moment, une véritable muraille de Chine.

(Une muraille qui me protège du feu des dragons, qui me protège de cet illimité pascalien effrayant pour l’esprit et le cœur)

Clous plantés dans la peau de perdition, vecteurs de destinées encore mal dessinées par la main de l’homme, bornes pour leurs cheminements aveugles, foyers ardents des déterminations physiques et amoureuses, archipel de toutes possibilités et impossibilités, impacts divins dans le cuir des gravités,   trous pour où coule, tel un miel  excessivement diluée,  la lumière insondable, sublunaire que l’on appelle « lumière des étoiles »,  troupeau des brebis sans nombre filant vers l’abîme fertile, impact de la danse d’Eros ou de Shiva et bien d’autres choses encore sont les poinçons  des étoiles dans le dôme  du ciel...  Une coiffe durable au-dessus de nos crânes solitaires, et de puissantes incitatrices patentées.

Parfois je les sens tout simplement, sens une présence invisible  dans le ciel ennuagé sans chercher à les apercevoir pour m’abreuver à la source.

Parfois je m’arrête sur les étoiles, les fixe sans savoir ce que je vois, seul, parfois ne vois plus rien que des trous de lumière,  que le néant aux vers qui luisent dans les profondeurs du passé et du futur et je repars à la fois effrayé et requinqué, à la fois grandi et rapetissé sur le chemin des poussières et du temps qui passe.

 

 


mercredi 14 décembre 2022

 

Avec la pluie


Avec la pluie nous revient le présent aux milles gouttes simultanées, tandis que ruisselle à nos pieds la réalité végétale des plantes, formant d’innombrables chemins en tresse sur fond de ciel  gris cadenassé. Il y a un progrès général dans l’air, un progrès féminin, qui envahit chaque recoin de l’espace, s’y installe le temps de l’averse. Cette manière qu’a la pluie de surprendre est chaque fois unique et rejouée avec grâce, légèreté. L’hydre a ressuscité, gris comme le charbon que l’on brûle, la pluie rayonne dans le ciel telle un amas d’étincelles en chute libre. C’est un pleur ou un saignement dénudé de douleur, de toute douleur charnelle, animale, une complète ataraxie envahit la chambre aux rideaux de brume, subjugue la cuisine de métal et de verre, ou encore la balcon… un rideau tombe sur le regard aux abois, fasciné par la femme électrique, par l’éclair sec qui balafre la molle matière du ciel, l’œil a eu  peur de la blessure,  il a frissonné devant ces météores au langage si clair et violent il, retourne momentanément dans la caverne de son orbite car il craint  l’étincelle, ou  la goutte qui pourrait l’échauder, lui faisant perdre la maîtrise de l’horizon. La pluie nous remue le cœur et les entrailles, le cerveau également, elle dénoue l’attente dont on ne se savait pas prisonnier.

J’observe la pluie tomber à verse

Une incontinence heureuse  puis, tapageuse, puis  agressive tambourine à la fenêtre fouettant les yeux et les oreilles, je suis du regard du regard  cette incontinence nomade…