samedi 28 mars 2020



Le noyer


De la couleur (bleu-gris) d’un ciel d’avant la pluie, d’avant l’éclat sec de la foudre. Puis absolument sans couleur, disparaissant, lors des neiges de l’hiver-longtemps-craint. Tout de brume, de froid, tout d’oubli.
 A la peau talquée, et lisse, comme celle de l’olivier dont il semble le parent, le lointain cousin du moins (mais plus gras et introverti), des montagnes (presque toujours l’ombre d’une montagne pèse sur ces noyers partis en avant-garde de la civilisation, aux confins d’une vallée préalpine).
 Pourtant cette peau, légèrement pâteuse, bleutée, bientôt se craquelle, se crevasse même, depuis l’entame du tronc jusqu’aux prémices des branches supérieures. Des branches qui, saisissant votre regard, jettent bientôt sur vos yeux envoutés une flexueuse toile d’araignée que l’on fait semblant de ne pas voir. Il craque alors intérieurement le noyer, jouit de craquer de toutes ces extrémités tentaculaires qui projettent une ombre (toute cérébrale) sur le dormeur imprudent, sur le dormeur inconscient, en été.
 Il y a, pour moi du moins, quelque chose de définitivement cérébral dans le noyer, quelque chose de tendu, de saccadé, d’écrit avec les nerfs ; en particulier dans les extrémités de ces branches qui finissent en crochets, en boucles presque... Quand on regarde sous la jupe de l’arbre en hiver on voit alors ces branches lézarder en meutes le bleu du ciel, on les voit percer les nuages et même interrompre le cercle du Soleil. On dirait qu’elles vont même pactiser entre elles, ces branches du noyer, se rejoindre dans leur tortueux effort pour former une véritable voute.
Envoutement des branches du noyer.
Et pourtant il demeure quelque chose de mou, de réellement flexueux, dans les crispations cérébrales du faiseur d’huile... La toile d’araignée mollement se balance dans le ciel, retenue par le tronc bleu-gris qui l’amarre aux profondeurs chtoniennes. Un tronc sans caractère, sans véritable passion. lisse et talqué, crevassé par l’effort de croître. Attire puis repousse, le noyer, toujours gras et introverti, doux et sombre, aimable mais peu attaché, et peu attachant aussi.
 En avant-garde de la civilisation dans les vallées drômoises ou d’Isère, seul, isolé, il fait craquer ses branches, souvent au mitan d’un champ de cailloux nouvellement hersé, lance sa belle voute d’un vert avocat par-dessus la terre marron-rouge, en regard des montagnes qui lui préparent ces éclairs, cette électricité qui le fait croître de cette manière, nerveuse, crochue, saccadé, pas du tout huileuse en tous cas...









Souche