Anamorphoses alpines : figures de la matière originelle tourmentée,
lave ou calcaire qui accède à la forme après un douloureux barattage et le
travail subséquent d’une matrice architectonique. Cette impression de vie que
donnent une à une les montagnes vient sans doute pour partie de ces
brusques changements de leur forme en fonction d’un point d’abordage, ou d’un
simple point de vue : depuis le nord venté, ou le sud atone, depuis l’est ou
l’ouest. Par étirement ou écrasement, par contraction, constriction, élévation
ou excroissance… la montagne vit en changeant de forme, en se métamorphosant sous
nos yeux à chaque étape de la promenade.
Alors, en profondeur, ce n’est plus à cette
forme-silhouette subissant trop de métamorphoses que l’on pourra la
reconnaître, mais bien plutôt à une certaine physique maternelle de ses flancs, au plus ou
moins prononcé, ou à l'indenté, de ses arêtes, aux couleurs entrecroisées de ses
échiquiers minéraux, et puis à ses cicatrices et écorchements irrémédiables, à sa peau
d’herbe et de terre, ainsi qu’aux fourrures, sombres, éclatantes ou sépia en ce
mois de mars, des forêts de hêtres, de pins.