dimanche 20 mars 2022

 


Chemin printanier

 

Le chemin est étroit. Le sentier, dès l’entame, se resserre mais l’énergie qu’il suscite s’en trouve comme décuplée ; imprime au corps un allant qui le surprend, relance le souffle que comprimait l’horloge. D’abord rigoureux, et contraignant à une certaine congruence des membres et des organes (respiration, sang, pensées), il se détend bientôt en larges boucles ascendantes, réservant des trouées au travers des branchages- qui flottent- des pins rougis.

En direction d’un plateau de Furmeyer à hauteur de nuages.

 Dans le blanc d’une après-midi maussade, se succèdent les clairières ventées ouvrant sur les balcons de Céüze, les pierriers poussiéreux et brutaux qui coulent vers la rivière, et, aux virages, les troncs nus ou tomenteux des arbres dont je cherche encore le nom. Alors, avec cette timide mais tenace tramontane qui murmure à l’oreille la complainte du printemps, vient l’ivresse d’avoir dénoué son licou, et la joie païenne de l’immersion totale quand on s’enfonce corps et âme, à la recherche des nuages altiers de Furmeyer, dans le pelage verdissant des bois.

La verroterie bleuâtre des pierres concassées, au départ, annonçait déjà une certaine légèreté printanière qui ne fait que se confirmer au fil de l’ascension vers le plateau, alors que s’enflent les poumons des pins le long du gris des routes, en contrebas, et que des vaches s’abreuvent librement à l’eau grise de la rivière ; inhabituelle présence disant, semble-t-il quelque chose d’un retour général de la vie, enfin sortie des étables austères.

Les genêts, les pins, les amélanchiers aussi vêtus que des ballerines, et l’herbe verdissant, mais aussi la pierre qui grimace et les monts du lointain dessinent dans le blanc de l’après-midi une nouvelle présence point encore complètement confirmée mais allant, avec le temps et la rivière où boivent les génisses, vers sa réalisation.

C’est à la parallèle de cette réalisation, qu’illustre si bien la rivière en contrebas, étirée entre sa source et la mer, que je marche aujourd’hui, avec de part et d’autre du chemin le vert poli des plantes nouvelles, des longues graminées jaunies mises à l’épreuve par le vent.

Confession :

C’est le chemin de cette réalisation, si évident depuis les hauteurs lorsqu’on observe l’allant de la rivière libérée de sa source, que j’aimerais parfois directement emprunter, en passager clandestin des forêts et des monts ; mais je ne suis ici qu’un visiteur- ainsi je me raisonne- du pelage reverdissant, et ce temps-là qui coule de source, le temps de la réalisation cyclique des fleurs et des fruits, pourrait également être d’une éternité rapidement usante pour l’humain.

Alors

Je vais le long du chemin abstrait, à la parallèle du printemps.