Chemin printanier
Le chemin est étroit. Le sentier,
dès l’entame, se resserre mais l’énergie qu’il suscite s’en trouve comme décuplée ;
imprime au corps un allant qui le surprend, relance le souffle que comprimait l’horloge. D’abord rigoureux, et contraignant à une certaine congruence des membres
et des organes (respiration, sang, pensées), il se détend bientôt en larges
boucles ascendantes, réservant des trouées au travers des branchages- qui
flottent- des pins rougis.
En direction d’un plateau de
Furmeyer à hauteur de nuages.
Dans le blanc d’une après-midi maussade, se
succèdent les clairières ventées ouvrant sur les balcons de Céüze, les pierriers
poussiéreux et brutaux qui coulent vers la rivière, et, aux virages, les troncs
nus ou tomenteux des arbres dont je cherche encore le nom. Alors, avec cette
timide mais tenace tramontane qui murmure à l’oreille la complainte du
printemps, vient l’ivresse d’avoir dénoué son licou, et la joie païenne de l’immersion
totale quand on s’enfonce corps et âme, à la recherche des nuages altiers de Furmeyer,
dans le pelage verdissant des bois.
La verroterie bleuâtre des
pierres concassées, au départ, annonçait déjà une certaine légèreté printanière
qui ne fait que se confirmer au fil de l’ascension vers le plateau, alors que s’enflent
les poumons des pins le long du gris des routes, en contrebas, et que des
vaches s’abreuvent librement à l’eau grise de la rivière ; inhabituelle
présence disant, semble-t-il quelque chose d’un retour général de la vie, enfin sortie des
étables austères.
Les genêts, les pins, les
amélanchiers aussi vêtus que des ballerines, et l’herbe verdissant, mais aussi
la pierre qui grimace et les monts du lointain dessinent dans le blanc de l’après-midi
une nouvelle présence point encore complètement confirmée mais allant, avec le temps et la
rivière où boivent les génisses, vers sa réalisation.
C’est à la parallèle de cette réalisation,
qu’illustre si bien la rivière en contrebas, étirée entre sa source et la mer, que
je marche aujourd’hui, avec de part et d’autre du chemin le vert poli des
plantes nouvelles, des longues graminées jaunies mises à l’épreuve par le vent.
Confession :
C’est le chemin de cette réalisation,
si évident depuis les hauteurs lorsqu’on observe l’allant de la rivière libérée
de sa source, que j’aimerais parfois directement emprunter, en passager
clandestin des forêts et des monts ; mais je ne suis ici qu’un visiteur- ainsi
je me raisonne- du pelage reverdissant, et ce temps-là qui coule de source, le
temps de la réalisation cyclique des fleurs et des fruits, pourrait également être d’une
éternité rapidement usante pour l’humain.
Alors
Je vais le long du chemin abstrait,
à la parallèle du printemps.
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