jeudi 7 avril 2022





 Oule, mars-avril 2022


 Hêtraie de la montagne d’Oule

 

 Hêtraie d’Oule, surgissant en ta base d’un entonnoir de calcaire invisible, mais dont on devine assez naturellement la forme cave et la nature d’impasse radicale pourvu qu’on laisse son regard dévaler  les pentes abruptes qui mènent vers ce bas, tu es la fois vieille (pleine de souches, lourde des remugles de feuilles jaunes comme le soleil  vieillissant d’après 18 heures) et jeune comme le printemps.

Tu es vieille et jeune,  comme tout ce qui relève, exclusivement, sans mélange ni mixture de genres, de la nature.

Depuis des bas-fonds ombreux et confus, les troncs blanchâtres filent la métaphore farineuse, sursautent, se tiennent par la racine, nous arrivent, remontant héroïquement, étage après étage, la pente de l’entonnoir...

On peut les voir grimper, faire la course, puis arriver à hauteur de sentier.

Et quand on les voit de près on peut se rendre compte que cet arbre a une peau (une peau de saucisson) qui compresse sa chair, lourde et pulpeuse, et bourrelle le tronc. Une peau qui a aussi à voir avec l’élancement exceptionnel de cet arbre-athlète.

Il s’élance avec une énergie grise, comme un poteau, vers les crêtes ; étincelle dans la pénombre du troupeau d’Oule, le hêtre.  

Troncs blanchâtres, aujourd’hui, plus farineux que d’habitude, troncs moisis par endroit, ou sombres  comme la roche pensive de novembre ou décembre ; troncs immobiles, ou errants, fantomatiques, car l’heure est à l’hiver, de nouveau, en ce début d’avril et le ciel bas laissera bientôt filtrer (alors que j’approche l’échine de mulet de cette montagne à hêtre et genêt qu’est Oule) de délirant flocons, bientôt réduits à rien, mais blancs tout de même et pleins d’une vie aussi minuscule qu’intraitable.

Ce polystyrène rejoindra bientôt  à l’issue d’une chute qui n’en finit pas de légèreté, les troncs noueux, moussus et claffis de bourgeons des chênes blancs. C’est alors rencontre entre la sève encore encapsulée et cette expression météorologique anachronique, pleine d’une soie glaçante, des nues, qui rajeunit ce qui était pourtant déjà nouveau, jeune, et printanier.

 



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