Froid exotique
Cette année l’été n’a pas vraiment fini, comme il finit d’habitude, par simple inertie. Un coup d’état a eu lieu sous la forme de neiges adventices, complètement hors propos, et d’un froid épais qui nous attendait obstinément à chaque coin de rue. On est passé tout à coup à autre chose, se laissant aller dans des paysages nouveaux dont nous avions perdu le fil :
Des neiges ! là où d’habitude les sommets infusaient dans le tiède brouet d’un automne de procrastination, remettant toujours la chute dans le froid à plus tard.
De ce fait, les arbres, les roches et les monts découvrent un autre mode d’être. Je les vois du moins "différant", tout comme le pays où ils vivent et prospère me paraît tout à coup autre. Etranger. La conjonction de la lumière de fin septembre, de pure répétition, et de ce froid qui saisit la nature et en blanchit d'une seule traite les sommets les plus hardis, produit une harmonie qui n’est pas celle que j’attribuais jusque -là ni à cette époque, ni encore moins ce pays à cette époque, créant par la même des paysages inédits et presque exotiques pour moi.
Chaque chose, néanmoins, restant à sa place.
Par exemple, ce matin, les croquis et crayonnés des arbres et les fantômes du souvenir ont retrouvé leur chair dans cet arrière-pays où chaque mot correspond réellement à quelque-chose, où le vent et le soleil ne sont pas de vains mots mais de véritables boussoles de l’esprit et du corps.
Dans les pierriers couleur chair de Champérus erre l’émeraude des thyms, par bouquets tentants qu’on aimerait saisir à cause du feu qu’ils contiennent, mais la pente trop raide m’intime de poursuivre jusqu’à libération du corps et des jambes, jusqu’à l’entrée dans un étage plus amène d’où l’on aperçoit les crèches, avec les santons devinés, des bourgs et des villages. Pas d’obstruction à la marche, qui aujourd’hui est aussi une manière de passer en revue les roches et les arbres connus de cet arrière-pays où, même en notre absence, le verbe va.
Les jambes décident, campées sur l’objectif de se délasser par l’effort.
De Veynes au lit de la Béoux, puis à nouveau Veynes, par Champérus, Châteauvieux et le col des Tourettes.
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