lundi 23 novembre 2020

L'air blanc de novembre

L’air blanc de novembre

 

  Novembre. Dans l’air blanc de novembre, la nature se passe lentement une épaisse côte de maille sur laquelle viennent butter les mains et le regard du passant. Elle bredouille, la nature, maladroitement, ou se tait dans notre dos. Elle bée en certains endroits que je ne saurais voir, laissant se détacher et choir des chairs que toute forme a désertées. Dans le confort des sous-bois, il subsiste bien quelque chose de l’ancienne cuisine automnale mais ce que je perçois en premier lieu, c’est l’avancée au premier plan des sapins, et leur mise en marche impeccable, et l’ordre mâle des aiguilles dressées contre le froid et le persiflage des giboulées à venir.

Ils sont tout à coup visibles comme si l’heure était propice à leur sève et leur croissance ; comme si la saison, avec cette lumière blanche et atone qui relègue au second plan les diverses marcescences en cours, les révélait enfin, à la fois, à eux-mêmes et aux randonneurs. : d’une verdeur mâle qui n’appartient qu’à l’hiver.

Pour la première fois, j’ai également été sensible aux troncs bleu-gris des pins d’Autriche et à leurs branches dénudées qui faisaient comme des massacres de cerfs, suspendus dans l’air violet de ces austères pinèdes où ils se trouvent confinés... En long et en large, au gré des pentes où ils se succèdent sans accident, on aurait dit des pépinières de totems pour les pies, geais, hulottes, mésanges ou chauve-souris et l’œil bravache aimait à s’y attarder, tenant en joue ce faux métal des troncs aux humeurs violacées, couverts de vieilles barbes de lichens.

Un long moment j’ai ainsi écouté « parler », ou regarder s’exprimer, les pins d’Autriche aux troncs droits et réguliers de poteaux électriques, particulièrement attentif à l’étagement sur plusieurs mètres, depuis la base du tronc jusqu’aux premières aiguilles, de ces massacres de cerfs, lesquels peuvent aussi faire penser à des mains tendues, aux doigts arqués qui voudraient, semble-t-il, retenir quelque chose de l’air blanc de novembre, absolument.

 


 

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