Vallée du Buëch
Chute et lumière, goutte à goutte
dans un désert minéral, quand le silence de la pluie ouvre ses ailes et se rapproche de l'ardeur des sommets. Je me
réveille dans le bruit de ce qui ruisselle sur l’oreille de la pierre, je nais des lichens essorés. Rassemble mes innombrables dans le noir
isolement des pentes, à flanc de rocher ; fulgure brièvement sur le fil
tendu de la cascade, blanchi jusqu’à la corde, avant de me perdre dans ce qui
semble autre mais qui est en fait de moi, car déjà je me déplie, sors de ma
source éparpillée pour conjuguer des fuites sans nom, des chutes graves ou
mineures que mon corps lentement prolonge et dissout vers l’avant.
Où va cette lumière que je
traîne, depuis la racine des roches ? Suis-je oubli ou pleine conscience ?
et ses traînées qui clapotent, qui se meuvent d’un long mouvement conséquent de
reptile sont-elles de moi ou du lit que creuse mon inconscience. Et pourtant
c’est ainsi, par le débordement d’une force évasive, que se forment des berges où
résonnent mon nom, et un pays avec ses villages et ses champs, à la fin.
Je suis le fleuve, la rivière, les ruisseaux
capillaires qui frétillent dans la lumière des pentes, je suis toutes les eaux
emmenées, indifféremment, je suis les flots, je ne suis rien mais à part un nom
répété le long de mes boucles qui forment un pays, jusqu’à trop de lenteur. Un
nom qui tient tant à ma peau jamais déchirée qu’à mes entrailles ou se déplie
et déplie la force évasive qui n’est pas de moi ; je suis un nom qui me
tire vers l’avant jusqu’à la bouche qui le tait.
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