jeudi 18 novembre 2021


Chemin du Champérus

 

Sentier écrit dans la roche, à même la roche qui le bosselle ; palimpseste de sentier qui disparaît  parfois, en été,  dans des ruines arasées où prend racine un pin, qui s’éclipse  dans la blancheur de la roche affleurante, débordante ,aux lourdes arcades que frappe le jour .On saisit à mains nues ses bornes, se hisse dans les gravillons égouttés, nez à nez avec des touffes de thym grises. C’est alors une escalade qui s’ignore. En été cette roche est jaune citron, ou rose saumon au soir, mais là ce ne sont que des bleus (la bleuité du moisi, d’un froid pullulement bactérien) au cœur de la pierre, des mauves à leur racine d’ombre.

Le froid viendra exercer sa maîtrise tantôt et cela les pierres le savent déjà, déjà se préparent. Elles sont devenues bleues comme la poussière du thym qui se glisse dans les interstices rocheux, tel les saxifrages. Il y a dans l’air un vide, un halètement du vide qui appelle le froid, qui prépare l’arrivée du froid dans l’espace, qui laisse entendre que le froid arrivera bientôt, car la nature a horreur du vide et de l’hésitation. D’où cette bleuité des roches et du chemin creux, creusé, qui en été s’éclipse mais qui là souligne presque, dans ses tortillons qu’on escalade, les ecchymoses de la roche exposée.

Ce sentier du Champérus, écrit dans la roche par les pieds bottés des randonneurs, chasseurs, sportifs est synonyme pour moi, tout au long de l’année tiède et claire, d’albedo parfumé au thym et à la sarriette, et de chaleur terreuse, pierreuse, dans laquelle on se hisse dans des efforts poussiéreux jusqu’au premier sommet, avant la route des crêtes et Châteauvieux à tribord. Il y fait alors nettement plus chaud qu’ailleurs.

Aujourd’hui au contraire, ce même chemin me rend palpable, dans cette soudaine bleuité de sa chair, la lâche retraite du feu et le refroidissement subséquent de ses côtes, et le vide créé par cette défaite  à contre-courant où continue à prospérer le thym, cette plante-poussière.

Tout est déjà écrit, tracé, le chemin laissera descendre, depuis le sommet, le froid par lequel tout redevient clair et précis, gris-bleu-noir. A contre-courant.

 

 

 

 

 

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