Chemin du Champérus
Sentier écrit dans la roche, à
même la roche qui le bosselle ; palimpseste de sentier qui disparaît parfois, en été, dans des ruines arasées où prend racine un pin,
qui s’éclipse dans la blancheur de la
roche affleurante, débordante ,aux lourdes arcades que frappe le jour .On
saisit à mains nues ses bornes, se hisse dans les gravillons égouttés, nez à nez
avec des touffes de thym grises. C’est alors une escalade qui s’ignore. En été
cette roche est jaune citron, ou rose saumon au soir, mais là ce ne sont que
des bleus (la bleuité du moisi, d’un froid pullulement bactérien) au cœur de la
pierre, des mauves à leur racine d’ombre.
Le froid viendra exercer sa
maîtrise tantôt et cela les pierres le savent déjà, déjà se préparent. Elles sont
devenues bleues comme la poussière du thym qui se glisse dans les interstices
rocheux, tel les saxifrages. Il y a dans l’air un vide, un halètement du vide qui
appelle le froid, qui prépare l’arrivée du froid dans l’espace, qui laisse
entendre que le froid arrivera bientôt, car la nature a horreur du vide et de l’hésitation.
D’où cette bleuité des roches et du chemin creux, creusé, qui en été s’éclipse
mais qui là souligne presque, dans ses tortillons qu’on escalade, les ecchymoses
de la roche exposée.
Ce sentier du Champérus, écrit
dans la roche par les pieds bottés des randonneurs, chasseurs, sportifs est
synonyme pour moi, tout au long de l’année tiède et claire, d’albedo parfumé au
thym et à la sarriette, et de chaleur terreuse, pierreuse, dans laquelle on se
hisse dans des efforts poussiéreux jusqu’au premier sommet, avant la route des
crêtes et Châteauvieux à tribord. Il y fait alors nettement plus chaud qu’ailleurs.
Aujourd’hui au contraire, ce même
chemin me rend palpable, dans cette soudaine bleuité de sa chair, la lâche retraite
du feu et le refroidissement subséquent de ses côtes, et le vide créé par cette
défaite à contre-courant où continue à prospérer
le thym, cette plante-poussière.
Tout est déjà écrit, tracé, le
chemin laissera descendre, depuis le sommet, le froid par lequel tout redevient
clair et précis, gris-bleu-noir. A contre-courant.
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